Maîtresse 16

Maîtresse

Barbet Schroeder

  • 1976
  • France
  • Drame
  • 1h52mn
  • Français
  • Couleur
Alors qu’il fait du porte-à-porte à Paris pour vendre des livres, Olivier, provincial un peu marginal, doit aider Ariane, dont la baignoire fuit, et qui lui apprend que l’appartement du dessous est inhabité. En le cambriolant, Olivier se retrouve enfermé dans ce qui s’avère être le « donjon » d’Ariane, dominatrice professionnelle qui le libère, mais sous certaines conditions…
De Maîtresse, on retient souvent son immersion sans équivalent dans le milieu du sado-masochisme parisien et ses scènes documentaires éprouvantes avec d’authentiques clients. Mais on oublie l’immense histoire passionnelle entre Ariane et Olivier, qui défie tous les a priori et démolit la norme. Fasciné par cet effacement des frontières entre réel et fiction, Schroeder les entremêle en virtuose, avec humour et respect, sans voyeurisme, échafaudant un univers étrangement vrai et presque féerique.

Cosey Fanni Tutti

J’ai vu Maîtresse pour la première fois en 1977 dans un club de projection privé à Londres. À l’époque j'étais branchée et fascinée par le BDSM alors ça m'intéressait de voir comment ces rites sexuels délicats étaient décrits par le cinéma. En le voyant aujourd'hui, difficile de croire que le film fut interdit pour cause d'obscénité. Ça démarre assez calmement, c’est presque de la comédie. Mais c’est essentiellement une histoire d’amour qui débute par la rencontre par hasard d’Ariane (jouée par Bulle Ogier) et d’un voleur, Olivier (Gérard Depardieu). Quand Olivier cambriole l’appartement juste sous celui d’Ariane pour le dévaliser, il trouve un donjon tout équipé avec des étagères remplies d’instruments de torture et de tenues fétichistes. Il découvre que c’est là qu'Ariane mène son business de dominatrice, en y proposant à ses clients une grande variété de rituels sadomasochistes.

Ariane est une maîtresse parfaite dans ses fabuleuses tenues fétichistes, créées par Karl Lagerfeld, et permet à Olivier d’assister ou d’occasionnellement participer à ses séances, en le payant même pour qu'il pisse sur le visage d’un de ses clients. Ils sortent ensemble et c’est le début d’une histoire d’amour passionnelle, elle lui propose d’emménager chez elle en tant qu’amant, tandis qu’elle continue à vaquer à ses affaires. Mais il ne faut pas longtemps pour qu’Olivier ressente de la jalousie envers les autres hommes. Il est soit ignorant, soit indifférent aux règles fondamentales du BDSM et de ce que ça implique d’être une maîtresse – la confiance, la discipline, les jeux de pouvoir et de contrôle. Ariane est très claire avec ça, elle sépare sa vie personnelle de son travail avec ses deux appartements, ses deux téléphones, avec Olivier d’un côté et les clients de l’autre. Ces limites établies et sa routine stricte s'effondrent avec l’arrivée d’Olivier dans sa vie. La pire scène pour moi est celle où il la force à avoir des rapports sexuels avec lui devant des clients, détruisant ainsi sa position en tant que maîtresse, essentielle pour elle et leurs fantasmes. Au final j’ai aimé le regard du film sur le monde BDSM, sur les frontières entre plaisir et douleur, et c'était d’autant plus convaincant parce que les scènes sadomasochistes (consensuelles) n’étaient pas simulées, même la scène de fétichisme extrême où un homme se fait clouer les testicules à un bloc de bois (pas pratiquée par Bulle Ogier). J’ai aimé aussi la manière dont l’histoire explorait comment maintenir et gérer une vie personnelle quand on est travailleur du sexe. Il est courant que les clients et amants de travailleurs du sexe tentent de les "sauver", en partant du principe qu’ils sont piégés dans ce monde sordide (comme Olivier le pense d’Ariane). C’est peut-être parce qu’ils veulent une appartenance exclusive, où qu'ils se sentent émasculés. Mais comme le BDSM, c’est avant tout une histoire de confiance.

Séances

14/09 • 21h45 • Salle 300
Séance présentée par Cosey Fanni Tutti

Billetterie

Crédits

  • Avec : Gérard Depardieu, Bulle Ogier, André Rouyer, Nathalie Keryan, Roland Bertin
  • Scénario : Barbet Schroeder, Paul Voujargol
  • Photographie : Nestor Almendros
  • Montage : Denise de Casabianca
  • Musique : Carlos d’Alessio
  • Production : Pierre Andrieux