Cosey Fanni Tutti

Mon ami Stephen Thrower m’avait envoyé le film Duffer, parce qu’il pensait que je pourrais le trouver étrangement intéressant. Le son était signé Delia Derbyshire, une compositrice que j’évoquais dans mon livre ; je travaillais également sur la bande-son du film qui lui était consacré. Je ne savais pas à quoi m’attendre et j’ai été totalement surprise,d’abord parce que tout le dialogue était doublé, ce qui donnait une étrange déconnexion entre les visuels et le son. Cette déconnexion, bien que voulue et liée aux contraintes budgétaires, collait bien au détachement vis-à-vis de la réalité qui caractérise Duffer et les autres personnages.

Duffer raconte l’histoire de sa relation abusive avec Louis Jack, misogyne et sadomasochiste psychotique aux fantasmes dépravés, violents et cruels. Le grain noir et blanc du 16mm ajoute à l'âpreté des situations que Duffer est prêt à subir au nom de son amour et de sa loyauté tordue envers Louis Jack. Quand les choses deviennent insupportables, Duffer trouve du répit dans les bras de Your Gracie, une plantureuse et gentille prostituée qui prend soin de lui. Le sexe chaleureux et aimant qu’ils partagent est à l’opposé polaire des jeux sexuels avec Louis Jack.

Le film est un mélodrame qui prend des virages singuliers, particulièrement quand Duffer tombe enceint. Il capture le Londres des années 70 dont je me souviens si bien : le délabrement de Notting Hill, le quasi-squat qu’est l’appartement de Louis Jack, et ces personnages bizarres et excentriques qui vivaient aux marges de la société britannique.