The Begotten Cycle
Entamé avec Begotten (1989), le Cycle Begotten est une œuvre expérimentale inouïe, une monstruosité cosmique peuplée de mondes dévastés et de dieux éventrés, qui réinvente la mythologie dans la violence de l’apocalypse. Épopée sui generis vénérée par les amateurs de cinéma expérimental, Begotten est décrit par Susan Sontag comme « l’un des dix films les plus importants des temps modernes ». Le cinéaste E. Elias Merhige plonge les spectateurs dans un univers surréaliste et horrifique de rituels profanes et sacrés, comme si l’un des monstres de Lovecraft s’était emparé d’une caméra. Dans cette œuvre sans équivalent, tournée en noir et blanc 16 mm inversé et minutieusement traité à l’aide de développements optiques artisanaux, toutes les possibilités matérielles de la pellicule s’embrassent et s’embrasent: grain, contraste et dégradation physique.
Après avoir travaillé ensuite sur la réalisation de vidéoclips et de longs-métrages grand public (Shadow of the Vampire, Suspect Zero), Merhige rejoint sa planète originelle, revenant à ses racines thématiques et formelles avec Din of Celestial Birds (2006), continuation cosmique de Begotten, qui combine cette fois techniques analogiques et numériques. Avec Polia & Blastema (2021), Merhige complète sa trinité épique. Dans la tradition psychédélique de 2001, l’Odyssée de l’espace et Au-delà du réel, il mêle science-fiction et opéra pour créer un mythe originel et fondateur, sans paroles, plein de paysages d’enfers désolés, entre matière organique et inorganique, dans lequel les scènes primitives traduisent la naissance d’un univers. Grâce à l’imagination visuelle de David Wexler, le cerveau des performances live de Flying Lotus, The Weeknd et The Glitch Mob, ainsi que la musique de l’artiste visuel et compositeur Gavin Gamboa, Polia et Blastema est une hallucination visuelle, un rituel païen, une expérience physique, un big bang artistique qui nous explose à la figure.
E. Elias Merhige