Comment ne pas présenter Barbara Steele comme on compose une déclaration d’amour, comment ne pas lui avouer les émotions qu’on lui doit ? Les rideaux de brumes italiennes s’ouvraient sur son apparition et, ange ou démon, cet inoubliable regard nous submergeait et nous terrasse encore.
Barbara Steele est née en 1937 à Birkenhead, dans le Cheshire. Après des rôles secondaires pour la Rank, elle s’apprête à devenir la partenaire d’Elvis Presley dans Les Rôdeurs de la plaine de Don Siegel mais rompt son contrat, révoltée par les méthodes hollywoodiennes. Alors qu’elle croit sa carrière morte, son départ pour l’Italie va constituer sa véritable naissance, avec en guise de premier jalon l’un des plus beaux films fantastiques jamais réalisés, Le Masque du démon (1960) de Mario Bava. Avec Asa/Katia, elle impose déjà sa présence féerique, teintée de perversité, qu’elle attribue à sa « vieille âme celtique méfiante ». Icône du cinéma fantastique italien des années 60, elle incarne la diaphane et son double maléfique parfois au sein d’un même film, toujours pleine de sensualité, de complexité et d’ambiguïté. Elle imposera son statut de reine du gothique dans d’autres épouvantables merveilles réalisées entre autres par Riccardo Freda, Antonio Margheriti, Mario Caiano...
Elle ne se cantonne néanmoins ni au genre ni au pays, puisqu’après son apparition en insaisissable enjôleuse dans Huit et demi de Fellini, on la croisera aussi bien chez Roger Corman que Georges Lautner ou Volker Schlöndorff.
Les années 70 vont quelque peu l’oublier, mais de jeunes cinéastes cinéphiles amoureux jubilent à en faire leur méchante. Exception à la règle, David Cronenberg lui offre avec Betts un rôle poignant et tragique dans Frissons (Shivers, 1976), qui reste l’un de ses films préférés. Elle se tourne ensuite vers la télé et notamment vers la production mais répond encore présente pour quelques apparitions marquantes à l’instar du beau Lost River de Ryan Gosling (2014) ou pour prêter sa voix à des films d’animation, des documentaires ou des fictions.
Telle une incantation, la seule prononciation de son nom revient nous hanter, nous poussant instantanément à nous replonger dans ses métamorphoses fantastiques. Barbara Steele n’est pas une actrice, mais un sortilège.