Traversez le miroir. Le pays des merveilles de ce prince du surréalisme qu’était Robert Lapoujade vous attend. Né en 1921, il interrompt ses études en 1935 pour exercer une foule de petits métiers, de riveteur à garçon boucher ou encore homme-sandwich. En autodidacte, il réalise en 1939 sa première exposition figurative à Montauban. Dans les années 1940, il sera successivement professeur d’art dramatique, gardien d’un refuge pour les enfants juifs, réfractaire au STO vivant en ermite dans les forêts des Hautes-Alpes, avant de rejoindre Paris où il se lie d’amitié avec les directeurs des Éditions du Seuil. Pour cette maison il va illustrer recueils et couvertures, et signer leur logo encore en vigueur à ce jour. Trois ans après la première exposition parisienne de ses œuvres, 1950 marquera son passage au non-figuratif et la revendication d’un art abstrait non coupé des réalités sociales et de l’engagement politique. Professeur d’art, à partir de la fin des années 50, il fera partie des premiers signataires du Manifeste des 121 contre la guerre d’Algérie, et produira des peintures ayant pour thèmes Mai 68 ou Hiroshima.
Le cinéma apparaît pour lui comme une suite logique : il abandonne progressivement la peinture pour ce nouveau champ de création. Il se lance dans des courts expérimentaux, la plupart dans le cadre du Service de la Recherche de l’ORTF, où les prises de vues réelles côtoient le grattage de pellicule, la pixilation et autres procédés artisanaux de transformation de l’image. On retrouvera ce mélange dans Le Socrate (1968), dont l’univers semble faire se rejoindre Beckett, Tati, Mocky et même Švankmajer. Présenté au Festival de Cannes en 1973 où il est taxé de pornographique, son long-métrage Le Sourire vertical, adaptation de son propre roman L’Inadmissible, sera censuré, avant de sortir en salles expurgé de certains plans. Vers les années 80, il se remet à peindre, mais la maladie le paralyse lentement. Les cours qu’il donne à l’aube des années 90 sont en partie filmés par Jean-Noël Delamarre (Une Leçon de peinture, 1991). Il meurt chez lui le 17 mai 1993 à Saincy. Une rétrospective lui sera consacrée à Montauban en 1996. Depuis 2011, un square y porte son nom.
Avec la participation du CNC.