©Clémence Demesme

Carte Blanche Stephen Sayadian

Des éclairs fantastiques, des visions morbides, des ombres et des lumières, des lèvres immenses, une langue géante orgasmique, des sexes turgescents et de la jouissance éternelle. Vous avez sans doute reconnu le monde fantasmatique de Stephen Sayadian, connu sous plusieurs pseudonymes (Rinse Dream, Ladi Von Jansky…) Il a beau s’y dissimuler, on le reconnaît toujours ! Ses productions libres ont fasciné-émoustillé-et-plus-si-affinités l’inconscient cinéphile. Sayadian a commencé sa carrière en tant que directeur artistique pour Larry Flynt Publications avant de fonder la société de production Wolfe Studio, pour laquelle il conçut avec le photographe Francis Delia certaines des affiches et jaquettes VHS les plus inoubliables des années 80 dont Pulsions (Dressed to Kill) de Brian de Palma, Massacres dans le train fantôme (The Funhouse) de Tobe Hooper ou encore Fog de John Carpenter. À l’orée des années 80, il fait ses débuts en tant que cinéaste pour des films qui ne ressemblent à rien de connu, représentatifs d’une époque où la pornographie avait des ambitions artistiques, voire expérimentales. Au sexe hédoniste des années 70 succède l’onanisme. Pile au moment où les premières cassettes pornos sont commercialisées, Sayadian nous plonge dans un monde de surréalisme pulp amer, d’humour bizarre, de tableaux kitsch et de performance, alliant mauvais goût et visées poétiques, comme un acte de résistance à l’étalage de chair contemporain.

Curieusement, par son imaginaire débridé, il traduit merveilleusement l’humeur de solitude du présent. En résultent Nightdreams, rêverie déclinée en trois actes ; Café Flesh, dystopie mettant en abyme le désir dans un univers post-apocalyptique ; ou encore Dr. Caligari, fausse suite et hommage déjanté au classique de l’expressionnisme allemand. Dans les années 90, après le diptyque Poupées d’orgie (Party Doll A-Go-Go), Sayadian s’aventure chez MTV dans la série télé, laissant la place à d’autres artistes pour représenter le sexe au cinéma. Ça n’était pas forcément une bonne idée. Il nous manque et nous n’hésiterons pas à lui demander en personne s’il compte nous entraîner dans un nouveau rêve après tant d’années de silence : déjà invité par L’Étrange Festival pour un Focus, il nous présente ici une Carte Blanche, à la hauteur de son imagination.